Ségur de la Santé : Contribution de la Mutualité Française Hauts-de-France

Suite aux déclarations du Président de la République et du Ministre des Solidarités et de la Santé, les 25 mars et 25 mai dernier, le mouvement mutualiste en Hauts-de-France a répondu présent à l’appel de l’Agence Régionale de Santé afin de contribuer aux fondations d’un nouveau système de santé. Nous vous proposons de retrouver ici le détail de cette contribution régionale.

Propos introductif

Le 25 mars 2020, à Mulhouse, le Président de la République a pris un engagement auprès de toutes les femmes et les hommes mobilisés dans la crise du COVID-19 : « à l’issue de cette crise, un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital ».

Deux mois jour pour jour après le discours de Mulhouse, le Premier ministre Édouard PHILIPPE et Olivier VÉRAN, Ministre des Solidarités et de la Santé ont donné le coup d’envoi du Ségur de la Santé le 25 mai 2020 aux côtés de près de 300 acteurs du monde de la santé : acteurs institutionnels, élus, représentants des usagers, Agences Régionales de Santé, financeurs (Assurance Maladie notamment), ordres professionnels, représentants des établissements et employeurs du secteur sanitaire et médico-social, syndicats hospitaliers, syndicats de praticiens et professions paramédicales libéraux, représentants des étudiants et jeunes médecins, représentants des transporteurs sanitaires, conseils nationaux professionnels et collectifs hospitaliers…

Ils ont rappelé l’ambition de cette grande concertation avec les acteurs du système de santé : « tirer collectivement les leçons de l’épreuve traversée pour bâtir les fondations d’un système de santé encore plus moderne, plus résilient, plus innovant, plus souple et plus à l’écoute de ses professionnels, des usagers et des territoires. La méthode et l’organisation proposées ont également été présentées ».

Afin d’y agréger des retours d’expériences régionaux, la CRSA Hauts-de-France ainsi que les CTS des différents territoires de santé régionaux ont sollicité les acteurs régionaux de santé.

L’Union Régionale de la Mutualité Française Hauts-de-France rassemble et représente plus de 150 mutuelles dans les 5 départements de la région. Au total, ce sont plus de 2 700 000 personnes qui sont
protégées par l’ensemble des complémentaires santé du réseau mutualiste. Mais la Mutualité Française, est bien plus qu’un simple financeur des dépenses de santé, c’est un véritable acteur régional avec une approche globale de la santé.

En effet, la Mutualité Française, du fait du réseau de centres de soins et de santé qu’elle coordonne dans la région Hauts-de-France agit au plus près des territoires pour favoriser un accès à la santé au
plus grand nombre. Ainsi, ce sont plus de 150 centres de soins et de santé qui maillent l’ensemble des
Hauts-de-France, proposant des services en optique, audition ou en dentaire, mais également des
Services de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD), de l’Hospitalisation à Domicile (HAD) ou encore des
EHPAD, services ayant été fortement impactés et/ou sollicités par la récente crise sanitaire.

En outre, la Mutualité Française des Hauts-de-France organise près de 500 actions de prévention et de
promotion de la santé tous les ans sur l’ensemble du territoire. A destination de tous les publics
(professionnels de santé, jeunes, personnes âges, actifs, etc.) sur des thématiques définies selon les
SEGUR de la Santé – Région Hauts-de-France
Contribution Mutualité Française
priorités régionales en la matière (cancers, santé environnementale, nutrition, troubles sensoriels et bucco-dentaire, maintien de l’autonomie, santé des jeunes), la Mutualité Française mobilise au quotidien l’expertise de son équipe de préventeurs.

Également, et toujours dans le but de favoriser l’accès à la santé au plus grand nombre, la Mutualité Française des Hauts-de-France agit pour limiter le reste à charge de la chambre hospitalière, développer le conventionnement avec les professionnels de santé ou encore améliorer la coordination frontalière entre les assureurs complémentaires et les établissements de santé français et belges (mise à disposition de professionnels de santé,…).

Enfin, en tant que membre historique de l’Economie Sociale et Solidaire et acteur de santé majeur en région, la Mutualité Française des Hauts-de-France siège dans de nombreuses instances sanitaires et sociales en région pour faire valoir sa vision solidaire du système de santé français. C’est ainsi que les représentants mutualistes sont présents à l’ARS (Conseil de Surveillance, CRSA, CTS), dans les CPAM, à la CARSAT, à l’UGECAM, à la CRESS, au CESER, dans les CDCA.

Durant cette crise sanitaire, la Mutualité Française s’est mobilisée dans l’ensemble des composantes : au travers des actions de ses Unions Régionales et de ses représentants ayant pris part aux votes des dispositifs d’urgence mis en place dans les instances régionales de santé (CPAM, Conférences des financeurs,…), de ses mutuelles (assureurs complémentaire santé) par l’accompagnement de ses adhérents mais aussi de ses gestionnaires d’oeuvres sociales (services de soins et d’accompagnement mutualiste) qui ont pleinement pris part, en la personne de leurs soignants et intervenants à domicile, à la lutte contre l’épidémie.

A titre d’exemple, pour illustrer l’investissement des services de soins mutualistes, les HAD relevant de la gestion de la Mutualité Française Aisne Nord-Pas-de-Calais-SSAM ont consacré 823 journées de prises en charge de patients COVID ou suspectés de l’être. Nos dentistes, eux se sont inscrits, dès que cela était possible, à la prise en charge des urgences dentaires.

A ce titre, et fort de ces expériences, le mouvement mutualiste répond présent à l’appel régional de la CRSA Hauts-de-France afin de contribuer aux fondations d’un système de santé « après COVID » que nous espérons, nous aussi, plus résilient, plus juste, et plus à l’écoute des acteurs de la santé qui le composent.

Pilier n°1 : « Transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent »

En préambule, il nous semble pertinent que la réflexion engagée au sein de ce pilier puisse garantir une égalité de traitement entre le secteur public et privé : égalité de coût, de fonctionnement, d’obligation, d’autorisation, de partenariat, des enveloppes concernant la recherche et l’innovation, … Ayant tous contribués à l’effort collectif, nous souhaiterions que la revalorisation de ces métiers soit elle aussi réalisée globalement pour tous secteurs confondus.

  • Considérer et revaloriser les professionnels de la prise en charge à domicile
    Au même titre que le personnel hospitalier et les personnels d’EHPAD, les prises en charge à domicile, qui donnent parfois le sentiment d’être « oubliées » doivent être clairement prises en compte. Cela passe par une reconnaissance essentielle des métiers et des compétences de l’intervention à domicile (formation, rémunération, évolution des carrières et métiers…) étant venu clairement soutenir et contribuer au déploiement du secteur hospitalier sur les cas les plus graves grâce à la prise en charge en HAD d’autres patients.

 

  • La télémédecine comme nouvelle compétence pour les professionnels de santé et du médico-social
    La télémédecine a su répondre en cette période de crise à des manquements d’offre de soins, il est devenu nécessaire d’inciter nos professionnels de santé à la pratique de celle-ci en y mettant les moyens. En ce qui concerne nos praticiens de ville, une réflexion est engagée au sein de nos centres de santé pour aborder systématiquement avec les candidats aux postes la possibilité de pratiquer la téléconsultation.
    De même, en EHPAD les salariés sont amenés à contribuer à la téléconsultation développée lors de cette crise. Néanmoins, l’accélération du déploiement de la couverture numérique et de la sensibilisation des professionnels de santé de ville est souhaitable pour permettre l’extension de ce dispositif. Par exemple l’un de nos EHPAD situé à Rozoy-sur-Serre dans un désert médical, pourtant équipé d’une cabine de téléconsultation, ne peut, faute de couverture numérique suffisante et de médecins sensibilisés, avoir recours à ce matériel.

 

  • L’assouplissement des rigidités existantes a facilité les approches intersectorielles qui ont montré leur plus-value pendant la période de crise sanitaire.
    Le dispositif mis en place lors de la crise dans l’objectif de favoriser la dispensation de soins par l’intervention des services d’hospitalisation à domicile dans les EHPAD, dispositif expérimenté par l’un de nos gestionnaires : la Mutualité Française Aisne Nord-Pas-de-Calais-SSAM, a donné un résultat positif pour la prise en charge des patients. Du fait du périmètre pluri-départemental de sa filière d’Hospitalisation à Domicile (250/260 patients pris en charge chaque jour), notre gestionnaire nous a remonté le constat de fonctionnements et organisations très différents d’un territoire à l’autre pour répondre aux besoins. Les liens partenariaux engagés avec les secteurs public et privé sur le champ sanitaire ont facilité la communication inter-établissements pendant la crise.
    Si sur le champ médico-social, deux territoires (Calais et St Omer) ont permis, grâce à leur sollicitation la mise en place d’une organisation d’urgence ayant montré ses effets bénéfiques dans le cadre de la crise sanitaire. A titre d’exemple, sur ces deux territoires, l’équipe HAD a oeuvré, en partenariat avec les médecins gériatriques et de soins palliatifs, et en collaboration avec les médecins coordonnateurs des EHPAD, à un protocole thérapeutique et de fonctionnement afin d’intervenir à tout moment du jour et de la nuit. Ce partenariat a concrètement permis la mise en place d’un protocole d’intervention d’urgence avec les EHPADs demandeurs afin de répondre aux demandes de soutien. La possibilité laissée au médecin coordinateur de prescrire directement des soins aux résidents a facilité leur prise en charge. Ces cadres facilitateurs d’intervention en établissements médico-sociaux mis en place par l’ARS Hauts-de-France ont permis un assouplissement des rigidités concernant ces interventions et donc un soutien rapide des établissement médicaux-sociaux en grand besoin.
    Dans une optique de pérennisation, une sensibilisation des organismes gestionnaires pourrait favoriser le recours à ce dispositif qui a fait ses preuves durant la crise.

Pilier n°2 « Définir une nouvelle politique d’investissement et de financement au service des soins »

  • Développer l’accès aux soins pour tous via un investissement dans les outils du numérique
    Le confinement a révèlé l’importance du numérique dans la lutte contre l’isolement, l’accès aux soins en particulier des personnes âgées et mais aussi des personnes handicapées. Pour réponde à cette rupture sociale et sanitaire très vite la CNSA a ouvert les crédits de la conférence des financeurs de la prévention et de la perte d’autonomie, pour d’une part, laisser la possibilité aux acteurs de créer et d’aménager des actions de prévention en distancielles et d’autre part permettre l’équipement des EHPAD et résidences autonomie de matériel type tablette. Cette possibilité offerte de s’équiper de tablette à faciliter les soins au chevet du patient (l’exercice de la téléconsultation), le maintien du lien social avec la famille et la poursuite de certaines activités quotidiennes de façon dématérialisée. Le succès des actions menées a enfin permis d’accélérer l’appropriation des outils numériques par les professionnels.

 

  • Rénover le fonctionnement des appels d’offres
    Rénover le fonctionnement des AAP (Appels à Projets) ou AMI (Appel à manifestation d’intérêts) lorsqu’il s’agit de projets nécessitant une vraie adhésion de l’ensemble des acteurs du territoire, afin de ne pas cloisonner l’offre entre les différentes sphères d’une part et le secteur public/privé d’autre part.

 

  • Un modèle de financement favorisant un décloisonnement du secteur sanitaire et médico-social :
    La structuration et l’organisation du parcours du patient à domicile doivent être renforcées et déployées au niveau territorial. Cela passe notamment par un décloisonnement du secteur sanitaire et médico-social sous la forme d’un véritable projet commun, au bénéfice de la population de ce territoire, avec un financement adapté et non cloisonné lui aussi. La réforme du financement et une sortie pour ces services de la tarification à l’activité paraît nécessaire afin de faire émerger des modes de financement prenant justement en compte les dimensions territoriales, populationnelles, pathologiques et de parcours de soins.

 

  • Développer la culture de la prévention en France
    Notre système de santé est, depuis des années, centré sur la culture et l’efficacité des soins. Il nous faut tirer les leçons de la crise sanitaire et changer de paradigme afin de donner à la prévention la place et les moyens qu’elle mérite.

L’épidémie de Covid-19 a mis en tension extrême notre système mais a aussi rappelé à chacun la nécessité d’être acteur de sa propre santé. Faute de vaccin et autres traitements efficaces contre le virus, les Français ont dû, à marche forcée, apprendre ou réapprendre les gestes et comportements permet-tant de diminuer les risques de contamination. Cette responsabilité individuelle était nécessaire tant pour se protéger soi-même ainsi que ses proches mais aussi pour éviter une propagation exponentielle du virus et la saturation de nos systèmes de soins. Les Français ont dans l’ensemble réagi rapidement et efficacement à cette situation. Pour autant, il est apparu beaucoup d’incompréhensions et de comportements inadéquats en lien avec une mésinformation globale de la population et encore davantage dans certaines catégories sociales les plus en difficultés.

Face au risque de reprise de l’épidémie et l’apparition d’autres pathologies infectieuses, il est indispensable de développer, avec l’Education Nationale et la Protection Maternelle Infantile, une culture de la prévention dès le plus jeune âge et en particulier sur les facteurs de transmission et de prévention des maladies infectieuses.

Cette sensibilisation à la prévention devra ensuite se poursuivre à certains moments clés de la vie (adolescents, jeunes adultes, futurs retraités…) avec les outils adaptés afin de rendre les messages les plus simples possibles.

Nous avons aussi constaté durant cette crise une sensibilité plus forte de certaines populations comme nos aînés ou bien les personnes souffrant de pathologies chroniques.
Concernant les seniors, la crise a montré leur vulnérabilité, tant pour ceux résidant encore à domicile que pour ceux en hébergements collectifs. Dans le premier cas, c’est le risque d’isolement et toutes ses conséquences qui a bien souvent primé sur le risque sanitaire lié au covid-19. Les projets de lutte contre l’isolement tels que ceux mis en place par l’association Monalisa sont à poursuivre et à développer.

Pour les personnes en EHPAD, Résidences autonomie et autres Résidences Services, elles étaient confrontées à la fois à l’isolement et à un risque parfois accru de contamination. Au-delà de la continuité des soins pour les structures concernées, il est nécessaire d’élaborer des plans de continuité de l’ac-tivité prenant aussi en compte la poursuite et/ou la mise en place d’actions de prévention et de lien social durant les phases de crises sanitaires. A ce titre, la Mutualité Française a accompagné, avant la crise sanitaire, près d’une soixantaine de Résidences Autonomie de la région Hauts-de-France dans l’élaboration de leur projet interne de prévention dont certaines activités ont pu se maintenir durant l’épidémie de Covid-19.

Pour les personnes souffrant de pathologies chroniques, il faut bien entendu éviter encore davantage les risques de contamination. Pour autant, la logique voudrait d’abord que l’on prévienne la survenue de ces pathologies via des mesures de prévention qui sont bien souvent les plus efficaces.
Là-encore, il faut maintenir et même augmenter l’investissement financier en matière de prévention des maladies chroniques évitables, et cela dès le plus jeune âge et à toutes les « périodes char-nières » de la vie.

Les projets, tel que le parcours longévité proposé par l’Institut Pasteur de Lille, le CHU et l’Université de Lille, sont à soutenir. Ils permettent à la fois de proposer des bilans de santé mais aussi des accom-pagnements personnalisés aux personnes de quarante-cinq ans et plus.

Pour les plus jeunes, la Mutualité Française développe de nombreux projets avec le soutien de l’Agence Régionale de Santé HDF et les Académies de Lille et Amiens. On peut citer pour exemple l’action « Bouge, une priorité pour ta santé » qui s’adresse notamment aux collégiens et abordent tout au long de l’année les facteurs de protection des maladies chroniques (équilibre alimentaire, activité physique, addictions, etc.).

La prévention et la promotion de la santé se développeront au final lorsque l’ensemble des acteurs du domaine parviendront à travailler ensemble, cela étant conditionné en particulier par une meilleure visibilité sur les budgets alloués aux associations et autres structures de proximité. Les dotations étant trop souvent annuelles, elles sont un frein au développement de la prévention et limite son efficacité.

Nous savons aujourd’hui identifier les projets de qualité et pourtant ils sont remis en question chaque année. Il est bien entendu nécessaire de faire des « points d’étape » mais ils ne doivent pas apparaître systématiquement comme un risque d’arrêt brutal des activités.

Toute action de prévention doit faire l’objet d’une évaluation rigoureuse, en sachant que celle-ci prend parfois plusieurs années. Partant de ce postulat, il faut laisser le temps aux projets et aux structures de s’organiser, les actions n’en seront que plus qualitatives.

A minima, les appels à projets et autres contrats d’objectifs signés avec les institutions publiques doivent être pluriannuels.

Prenons l’exemple de ce qui est fait en termes de maintien de l’autonomie via les Conférences des Financeurs. Elles permettent souvent le financement d’actions en pluriannuel, avec des bilans à rendre régulièrement, mais aussi avec une confiance donnée aux porteurs de projets pour mener à bien les actions dans la durée.

Pilier n°4 « Fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers »

  • Remobilisation des acteurs au sein du système de santé pour organiser de façon agile et réactive la réponse aux besoins de santé d’un territoire
    Lors de cette crise, nous avons pu observer la remobilisation des acteurs du domicile en soutien des autres secteurs de la santé. Un des principaux enseignements transversaux qu’a tiré l’un de nos gestionnaires, la MFANPDC-SSAM, de cette crise a été que la prise en charge des personnes à « domicile » (lieu naturel ou en établissement de type EHPAD ou FAM et MAS), de l’accompagnement social primaire jusqu’à la mise en oeuvre de plans de soins personnalisés plus complexes, a offert une alternative de prise en charge constructive et efficace, en relais des établissements sanitaires qui ont été mobilisés par ailleurs dans la cadre de la gestion de l’épidémie. D’ailleurs, étant donné les obligations et le savoir-faire pour la prise en charge de patients habituellement complexes de nos services de soins et d’accompagnements mutualistes, ils ont pu s’adapter rapidement pour assurer un suivi renforcé des patients en surveillance ou infectés du covid-19.

Les prises en charge à domicile, qui donnent parfois le sentiment d’être « oubliées » ou peu utilisées dans l’organisation du système de santé, ou bien encore dévalorisées en termes d’apport d’offres sanitaires et sociales, peuvent non seulement répondre en continu aux besoins d’une population fragilisée désirant demeurer à domicile le plus longtemps possible, mais aussi proposer une alternative à l’hospitalisation conventionnelle et l’institutionnalisation, permettant à ces établissements de se concentrer sur les prises en charge les plus lourdes et nécessitant la mobilisation des plateaux techniques les plus complexes (notamment en temps de crise sanitaire ou de situations sous tension).

En parallèle de la logique domiciliaire voulue par l’Etat au niveau des personnes âgées et du handicap, cette nouvelle ère de concertation doit retenir en filigrane que, dans les prises en charge sanitaires également, l’hospitalisation avec hébergement reste ciblée pour la surveillance continue des patients dont l’état clinique le nécessite.

  • Clarifier et coordonner de la régulation des soins non programmés et des urgences en période de crise
    Nos professionnels de santé ont malheureusement constaté que la logique de soins au plus près des patients n’avaient été que peu instaurée concernant les urgences de premier recours dans le cadre de la crise sanitaire.

Un plan d’urgence au même titre que le plan blanc dans les hôpitaux, pourrait être pensé dans l’objectif de répondre de manière coordonnée et territorialisée aux besoins des patients du territoire en période de crise sanitaire. Par exemple pour une consultation de suivi chronique d’urgence, un patient habitant sur le littoral s’est vu proposer une prise en charge d’urgence sur le territoire de Valenciennes, alors que des professionnels étaient volontaires pour la prise en charge de ce patient sur son territoire d’origine. La situation a finalement été débloquée après plusieurs relances. Dans l’urgence les préconisations territoriales ont peu été observées concernant ces mesures de prise en charge d’urgence dont il mériterait peut-être de réinterroger l’organisation dans le cas malheureux d’un prochain épisode épidémique de ce type.

De même, nos services de soins et d’accompagnements mutualistes (audio prothésistes, dentistes, …), ayant été fermés dans le cadre du confinement, n’ont pas tous pu mettre en oeuvre leur vocation pendant plusieurs semaines, à savoir répondre aux besoins de santé de la population et favoriser l’accès géographique et économique de celle-ci à un dispositif d’accès aux soins de proximité et de qualité.

Même s’ils ont participé aux dispositifs de garde et de gestion des urgences, plus ou moins structurés, de façon formelle ou informelle de manière différenciée selon les territoires, ils ne peuvent que regretter que nos concitoyens n’aient pas pu continuer d’avoir accès à la prise en charge de leurs besoins (dispositifs et équipements médicaux, accompagnement et traitements, prévention…). Le report de ces prises en charge peut être, dans les prochains mois, un facteur aggravant de l’état de santé des personnes concernées, notamment les plus fragilisées.

Dans l’urgence, certains de nos professionnels ont tout de même essayé d’y contribuer ; nos pharmaciens ont par exemple assuré de manière informelle un contact de proximité via appels téléphoniques avec les patients atteints de pathologies chroniques dans le but de favoriser la poursuite de leurs soins.

Aujourd’hui ce sont nos mutuelles qui s’engagent dans la reprise des soins qui ont été interrompus pendant le confinement avec ces dernières semaines un effet de « rattrapage » tout à fait notable et encourageant.

Néanmoins, cette situation n’est pas satisfaisante et nécessite donc d’anticiper et de définir, dès à présent et au regard des enseignements issus de la situation actuelle, les organisations et protocoles de prise en charge permettant d’assurer au plus grand nombre la continuité des soins, même en période de crise sanitaire : rôle des acteurs, conditions de fonctionnements, équipements de protection (stocks), sécurisation économique….

  • Structurer les soins de proximité et l’interface entre la ville et l’hôpital sans oublier l’ensemble des acteurs
    Nos centres de santé, du fait de leur modèle économique ont offert une protection sociale à leurs professionnels de santé et par la même le maintien d’une offre de soins territoriale pérenne. ll ne faut pas oublier ces modes d’exercices coordonnées que sont les centres de santé dans la réflexion engagée, les mêmes qui lors de la réception auprès des pharmacies des EPI avaient été, l’espace d’un instant, oubliés.

 

  • Déployer à grande échelle les outils de la télésanté (télémédecine et télé soin) pour en faire un véritable élément dans la lutte contre les inégalités territoriales
    Face à l’impossibilité pour certains patients fragiles de se déplacer et pour lutter contre les inégalités sociales de santé, certains de nos services de soins et d’accompagnements mutualistes ont expérimenté la téléconsultation. C’est le cas notamment de nos centres de santé Jean Bart à Dunkerque (géré par l’USMD) et de la MIC à Thourotte. Nos EHPAD se sont également préparés dans l’optique de proposer la téléconsultation aux résidents.

Concernant le centre de santé Jean Bart (géré par l’USMD) la téléconsultation s’est faite via la plateforme Prédice mis en place par l’Agence Régionale de Santé Hauts-de-France. Si la téléconsultation était une perspective envisagée dans un futur proche, les raisons et la nécessité dues à la crise sanitaire ont accéléré son recours.

La mise en place a été très simple, grâce une ergonomie intuitive du support et la réception de fiches explicatives (fiches professionnels et fiches patients) très bien réalisée et facile d’utilisation tout autant pour les professionnels de santé que pour les patients. Quelques difficultés de mise en place ont été rencontrées mais il est important de souligner la réactivité de l’éditeur de logiciel. En pratique la téléconsultation est restée peu utilisée au démarrage. Un temps de communication auprès des professionnels de santé et des patients a été nécessaire pour faciliter le recours à ce dispositif. Pour une pérennisation de celui-ci, un temps de retours d’expériences parait nécessaire pour évaluer les limites de la téléconsultation et bien définir son périmètre d’utilisation ainsi qu’une communication grand public autour de son usage.

Toutefois quelques pistes d’amélioration peuvent être identifiées : la possibilité de se connecter avec plusieurs patients. La sage-femme de ce centre de santé aurait par exemple souhaité l’utiliser pour ses cours de préparation à la naissance. De même, il serait pertinent que le logiciel puisse offrir la possibilité de connecter l’agenda Prédice à l’agenda propre des professionnels de santé dans une optique de gain de temps.

A noter que cette téléconsultation s’est mise en place avec les patients du centre et n’a aucunement bouleversé le parcours de soins habituel du patient. Nous sommes en réflexion actuelle sur une organisation spécifique liée à la téléconsultation mais la question du coût reste une des questions essentielles pour la pérennisation de ce recours à ce dispositif.

  • Renforcer les liens entre ces structures, les établissements et les professionnels de santé pour garantir les parcours les plus adaptés pour les personnes âgées
    En ce qui concerne l’intervention à domicile et l’organisation du parcours du patient/usager à domicile, il est nécessaire de construire un parcours de santé qui doit reposer sur une approche globale, impliquant le patient/usager et ses aidants, allant de la prévention jusqu’aux soins les plus lourds pouvant être mis en oeuvre à domicile, en passant par l’accompagnement social et l’éducation thérapeutique.

A cet effet, il est notamment nécessaire de clarifier le rôle et les missions des acteurs locaux et le renforcement de la coordination locale de leurs actions, avec toutes les composantes existantes (privé, public, secteur libéral). De nombreux dispositifs de coordination et/ou d’action ont été expérimentés ces dernières années, faisant perdre de la visibilité quant aux rôles et prérogatives des acteurs (glissement de taches, coordination de coordination, cloisonnement par pathologie, échelon territorial pertinent, financeurs multiples…). Leur évaluation et rationalisation est plus que jamais indispensable.

Propos concluant

De façon générale, les acteurs locaux, qu’ils soient du secteur public, privé lucratif ou non lucratif ou libéral, ont démontré leur forte mobilisation, ainsi que toute leur capacité de réaction et d’adaptation, notamment dans les premières semaines de la crise sanitaire où les conditions étaient loin d’être réunies pour faire face aux multiples contraintes organisationnelles se présentant à eux.

Leurs connaissances des spécificités territoriales, des besoins des populations et des autres acteurs de proximité en présence, ont permis de mettre en oeuvre les modes de prises en charge et prestations attendues, en devant parfois trouver des réponses alternatives et innovantes.

Pour conclure sur cette contribution du mouvement mutualiste Hauts-de-France à la réflexion collective engagée dans le cadre de ces SEGURS de la santé, nous aimerions rappeler trois grands principes devant guider la réflexion quant à la refondation de notre système de santé post crise COVID :

L’intersectorialité des pratiques :
Durant cette crise tous les secteurs se sont mobilisés, nous souhaitons donc aujourd’hui que cette valorisation de ces métiers soit abordée de manière intersectorielle.

Trois exemples rencontrés durant la crise sont particulièrement frappants et mettent en lumière le manque d’approche intersectorielle.

  • L’attribution dans la prime exceptionnelle aux soignants ayant contribuées à la lutte contre le coronavirus à certains métiers, certains secteurs, oubliant dans un premier temps les métiers du domicile, puis attribuant la prime au cas par cas.
  • La fourniture des EPI dans un premier temps destiné aux professionnels de santé libéraux oubliant les professionnels intervenant notamment au sein de nos centres de santé ayant dû porter réclamation auprès de l’Etat pour être intégrés au sein des circulaires.
  • La mise en place des services de prise en charge d’urgence concernant les soins de ville organisés par l’intermédiaire des Ordres sans que les logiques promues de prise en charge au plus près des patients ne soient respectées.

Réinvestissement de la prise en charge à domicile à sa juste place
En deuxième intention plusieurs initiatives à destination de la prise en charge à domicile parfois « oubliées » et clairement sous-utilisées dans l’organisation du système de santé ont été formulées dans l’optique de réaliser un réel parcours du patient/usager à domicile. Les prises en charge à domicile ont prouvé qu’elles pouvaient offrir une alternative de prise en charge constructive et efficace, en relais des établissements sanitaires et en soutien des établissement médico-sociaux dans le cadre d’un contexte d’urgence. Leur participation au système de santé reste sous-utilisée et gagnerait à être repensée au sein de notre système de santé.

Poursuivre le travail de développement de la télémédecine qui dans cette période de confinement a prouvé sa plus-value
La Mutualité Française a toujours été attachée à la télémédecine car elle constitue un important vecteur d’amélioration de l’accès aux soins, en particulier dans les zones fragiles. Elle permet en effet une prise en charge au plus près du lieu de vie des patients et contribue à rompre des situations d’isolement.

Dans le contexte de cette crise sanitaire, la télémédecine a prouvé sa pertinence. L’accélération du recours à ces pratiques en témoigne. Néanmoins un développement est encore nécessaire au regard des différents retours d’expérience réalisés pendant la crise afin d’expérimenter toutes les innovations dont ce dispositif peut être porteur.

Contributeurs