Retour sur une journée dédiée au Grand Âge et à l’Autonomie

Table-ronde Grand Âge Autonomie le 22 janvier 2020 à Arras

C’est maintenant une certitude, la question du Grand Âge et de l’Autonomie sera, si elle ne l’est déjà, centrale en France dans très peu de temps. L’évolution démographique va dans le sens d’un vieillissement de la population et nous impose de nous interroger non pas sur l’éventualité d’un enjeu majeur lié à la perte d’autonomie, mais sur le moment où celui-ci surviendra, sur les solutions que nous y apporterons et in fine, sur la manière dont nous pourrons la financer. Alors que semble se profiler une réponse gouvernementale à cette question, la Mutualité Française des Hauts-de-France organisait le 22 janvier dernier, une journée dédiée à cette thématique centrale en présence notamment de Thierry Beaudet.

La région Hauts-de-France est actuellement la plus jeune au niveau national après l’Île-de-France, puisque 20% de sa population a entre 15 et 29 ans. Cependant, dans les prochaines années, elle suivra la même tendance au vieillissement que l’ensemble du territoire national. Ainsi, en 2050, on estime que les plus de 65 ans représenteront un quart de la population régionale, passant de 920 000 à 1 500 000. Au niveau national, le nombre de personnes en situation de perte d’autonomie devrait doubler d’ici à 2060 (sources : INSEE).

2020, l’année du Grand Âge et de l’Autonomie

Ces chiffres, et toutes les données vont dans le même sens, illustrent la nécessité de se pencher rapidement sur la question. C’était d’ailleurs le sens de l’annonce faite par le Président de la République lors du Congrès de la Mutualité Française en juin 2018 à Montpellier, une annonce qui prévoyait une réponse gouvernementale pour 2019. Or, malgré plusieurs rapports remis en 2019 (Libault, El Khomri, Dufeu Schubert), le projet de loi tant attendu sera finalement pour 2020, c’est en tout cas ce qu’a annoncé Agnès Buzyn lors d’une séance parlementaire le 8 janvier, puis face à la presse le 16 janvier.

Quoi de plus logique dans ce cas que de débuter l’année par un événement axé sur le Grand Âge et l’Autonomie ? C’est ainsi que le 22 janvier dernier Thierry Beaudet a répondu à l’invitation de Philippe Wattier, Président de la Mutualité Française des Hauts-de-France, et s’est rendu dans l’arrageois. Au programme : la visite de deux établissements dédiés aux personnes âgées puis une table-ronde sur le thème des pistes de financement de la dépendance.

Deux visites pour le concret, une table-ronde pour la réflexion

La journée a débuté à Drocourt, au sein de l’EHPAD André Pouly géré par APREVA RMS. Outre les nombreux échanges avec les résidents, la visite d’un studio, la présentation des services disponibles (coiffure, esthétique), cette visite a été l’occasion de riches discussions avec le personnel de l’établissement sur les solutions qui permettraient de redéfinir la place de l’EHPAD dans la chaîne de la prise en charge de la dépendance, notamment en développant le maintien à domicile, la télémédecine et la téléconsultation.

La visite s’est ensuite prolongée à l’EHPAD l’Orange Bleue de Méricourt, et plus précisément à la plateforme d’accompagnement et de répit dédiée aux aidants, où la rencontre avec les deux personnes aidantes, l’une retraitée, l’une active, fût un moment humainement très riche. Il est en effet acquis que l’accompagnement et le dévouement des proches aidants est un véritable sacerdoce, mais entendre le récit directement de la bouche des personnes concernées reste émotionnellement très fort. Fatigue, sentiment de culpabilité face au fait de mettre le proche dépendant en établissement adapté, oubli de soi… tel est le quotidien des aidants et par ricochet le quotidien du personnel des établissements dont le travail et l’engagement ont été mis en lumière lors de ces deux visites.

Dans le prolongement de cette illustration très concrète de la prise en charge actuelle de la dépendance en France, la table-ronde qui se tenait en soirée avait pour objectif de favoriser les échanges sur les futures solutions à y apporter et sur la question centrale du financement. Pour en discuter, Annette Glowacki, Présidente de l’URIOPSS des Hauts-de-France, Nathalie Pontasse, Directrice Santé et Autonomie du Conseil Départemental du Pas-de-Calais, Jean-Marie Vanlerenberghe, Membre de la Commission des Affaires Sociale du Sénat, Sylvain Lequeux, Directeur de l’Offre médico-sociale de l’ARS étaient réunis autour de Thierry Beaudet.

« La dépendance est passée d’enjeu de santé à enjeu de société »

Devant une centaine de personnes, professionnels de santé, responsables d’établissements, mutualistes ou aidants, les échanges ont permis de balayer un grand nombre de solutions qui permettraient une meilleure prise en charge de la dépendance (EHPAD hors les murs, revalorisation des métiers, meilleure reconnaissance du statut de l’aidant, renforcement de la prévention, meilleure coordination des acteurs, etc.). L’un des constats émis par l’ensemble des participants portait sur la redéfinition de la place de l’EHPAD, dont le rôle serait devenu trop éloigné de sa fonction première, « l’avenir de l’EHPAD c’est le domicile » a notamment rappelé Thierry Beaudet avant de mettre en avant la « nécessaire réorganisation du système via un raisonnement par logique territoriale ».

Un constat partagé par Sylvain Lequeux pour qui « l’un des critères du maintien à domicile réside dans une adaptation de l’environnement au sens large, que ce soit techniquement et matériellement au domicile de la personne concernée, mais aussi au niveau des structures dédiées » et Nathalie Pontasse d’illustrer par les nombreuses initiatives (habitat inclusif, baluchonnage, béguinage, etc.) « qui ne sont pas des nouveautés puisque mises en place avec succès dans le département du Pas-de-Calais depuis plus de 10 ans ».

« Notre proposition de contrats d’assurance complémentaire dépendance, combinés à la santé, permettront de faire baisser le reste à charge à un niveau plus acceptable »

Thierry Beaudet

Au-delà des solutions, la discussion s’est naturellement dirigée vers la question du reste à charge des familles et donc du financement et des quelques 9 milliards à trouver si l’on en croit le rapport de Dominique Libault. Sur ce thème, la solution de l’assurance dépendance proposée par la Mutualité Française et au sujet de laquelle Thierry Baudet a bien précisé qu’il « n’était pas question de « marchandiser » le secteur, mais que la solidarité nationale seule ne pourra[it] pas résoudre l’ensemble des problèmes rencontrés par les familles ».a retenu toute l’attention du Sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe qui s’est déclaré « intéressé par cette proposition basée sur la solidarité et la responsabilisation des personnes dès le plus jeune âge » et a insisté sur l’importance d’apporter enfin une réponse à cette question du financement de la dépendance « évoquée par tous les gouvernements depuis la Présidence Giscard ».

Une importance confirmée par Mme Glowacki selon qui « cette loi est une urgence », faisant le parallèle entre dépendance et situation écologique, « comme pour le réchauffement climatique, on sait que nous serons bientôt confrontés à des changements importants, le seul levier que nous ayons actuellement est de pouvoir agir le plus en amont possible pour en atténuer les conséquences ». Le projet de loi tant attendu sera donc observé de près par les acteurs de la dépendance, au premier rang desquels la Mutualité Française, qui a prouvé à travers cette journée du 22 janvier sa mobilisation sur la question de la dépendance, passée, selon Thierry Beaudet « d’un enjeu de santé à un enjeu de société ».