C’était la grande annonce, avec celle de la dépendance qui rythmera 2019, du duo Emmanuel Macron/Agnès Buzyn au début de l’été : la mise en place du « Reste à Charge Zéro » (RAC 0) également appelé « 100% Santé ». Une annonce dont la mise en oeuvre aura des impacts importants pour les usagers, les professionnels de santé et les organismes complémentaires.
L’objectif de cette mesure est simple et tient en une ligne : favoriser l’accès à une offre optique, audition et dentaire sans reste à charge afin de diminuer le renoncement aux soins pour des raisons financières. En effet, actuellement en France le taux de renoncement aux soins demeure assez élevé avec près de 17% pour le dentaire (dont la moitié à cause du critère financier), 10% pour l’optique et une estimation de près de 2/3 de personnes malentendantes non appareillées.
Dans les faits, le gouvernement a procédé à un large tour de table avec les parties prenantes de chacune des trois filières concernées ainsi qu’avec l’Assurance Maladie, la Fédération Nationale de la Mutualité Française, la Fédération des Assureurs, celle des institutions de prévoyance et l’UNOCAM. Ces négociations ont permis de dégager plusieurs principes communs pour les 3 secteurs à savoir une liberté de choix plus grande : une offre de soins sans reste à charge (dite de classe A, par opposition aux offres « libres » dites de classe B actuellement en vigueur) devant toujours être proposée sur les devis établis, la volonté de contribuer à un projet global d’amélioration de l’accès aux soins via le développement de la prévention et enfin, la délimitation d’un panier de soins précis (évolutif afin de rester cohérent dans le temps).
« Pas de reste à charge zéro au rabais ! »
C’est notamment sur ce dernier critère de délimitation du panier de soins que s’est focalisée une grande partie de l’attention. En effet, comme le rappelait Gérard Raymond, vice-président de France Assos Santé dans le numéro 11 du magazine Mutations, « les usagers attendent un panier de soins de qualité, modulable en fonction de leurs besoins et avec des nomenclatures qui puissent évoluer pour accompagner l’innovation […] Nous ne voulons pas de reste à charge zéro au rabais ! ».
Autre point de vigilance, la nécessité pour le RAC 0 d’être totalement homogène sur le territoire. En effet aujourd’hui, les disparités géographiques pour une même offre sont conséquentes. Ainsi, et sans aborder les différences colossales constatées en Île-de-France, au sein d’une même région on constate que le prix moyen d’une prothèse dentaire dans l’Oise est 14% plus élevé que la moyenne nationale, alors que dans le Nord, il est 13% plus bas que cette même moyenne nationale, soit un reste à charge de 106€ dans le premier cas contre un reste à charge nul dans le second*.
De forts impacts pour les mutuelles
Du côté des mutuelles, la réforme du « 100% Santé » sera à l’origine de nombreuses évolutions, à commencer par la donnée financière. Les complémentaires santé étant le principal financeur des soins concernés (74% sur le prix moyen d’un équipement optique, 31% sur un dispositif auditif et 52% sur un acte dentaire*), le déploiement du RAC 0 impactera inévitablement le montant total des prestations couvertes et, par ricochet, le montant des cotisations. Une hausse des cotisations qu’il faudra maîtriser, Thierry Beaudet renouvelait d’ailleurs en juin dernier son souhait « que l’augmentation des cotisations soit la plus modérée possible » afin de ne pas passer d’un renoncement aux soins causé par le reste à charge trop important à un renoncement aux soins causé par un prix de cotisation trop élevé.
Autre impact de taille pour les mutuelles, la volonté formulée par le gouvernement d’une meilleure lisibilité des contrats dans le but de faciliter la lecture par les adhérents des garanties apportées aux principaux postes de soins. Ainsi, chaque adhérent devra être en position de pouvoir comparer de façon simple, pour une situation et un tarif donné, la part relevant
de l’Assurance Maladie obligatoire, de sa complémentaire santé et donc de son reste à charge. Une réforme ambitieuse donc, qualifiée par Thierry Beaudet de « véritable levier de transformation sociale » et de « chantier immense » par Gérard Raymond, qui se déploiera graduellement à partir du 1er janvier 2019 pour un reste à charge zéro effectif espéré fin 2021.