Orientation 6 – Rechercher de nouveaux droits dans le respect de règles éthiques et en accordant plus de place à la société civile

En matière de protection sociale, et singulièrement en santé, les décisions publiques reposent trop souvent sur des approches purement comptables visant à réguler la dépense. Ces politiques de court-terme ne sont pas à la hauteur des enjeux pourtant capitaux pour la soutenabilité du système de protection sociale.
Vieillissement de la population, développement des maladies chroniques, progrès médical, santé environnementale, santé mentale, problématique d’accès aux soins, logement… Les facteurs qui affectent structurellement notre système de protection sont nombreux et leurs effets potentiels puissants, sur les prestations mais aussi sur le financement. Sans mesures correctrices, ils pourraient renforcer des inégalités sociales qui sont, en matière de santé, d’ores et déjà marquées.

Les enjeux liés au changement climatique, à la transition écologique, apparaissent comme particulièrement emblématiques. Ils interrogent l’évolution du rôle de l’Etat et de notre modèle social. Comment répondre au changement environnemental par le progrès social ?

La question de l’acceptabilité sociale des prélèvements sociaux est aussi un élément de fragilisation du système de protection sociale. Alors que les besoins ne faiblissent pas, bien au contraire, les tensions s’avivent notamment dans la dimension générationnelle. La faiblesse de la démocratie en santé ne permet pas de faire face à l’éloignement d’une partie de l’opinion vis-à-vis des mécanismes de solidarité auquel la montée de l’individualisme contribue probablement.

Intelligence artificielle, données de santé, fin de vie, santé environnementale : de nombreux sujets éthiques, par nature sensibles, se posent à nos sociétés et imposent des modes de concertations adaptées. Sur la question de la fin de vie, opposer soins palliatifs et euthanasie ne constitue pas une réponse adaptée. A ce titre, la Loi Claeys-Leonetti de 2016 a permis de trouver un certain équilibre, notamment en développant les soins palliatifs. Cet équilibre ne
répond cependant pas à toutes les situations et demandes.

Pour la Mutualité Française, il doit être accordée à la société civile davantage de place pour offrir de nouveaux droits et développer la démocratie en santé. Cela passe par :

  • L’ouverture de débats sur l’ensemble des déterminants de santé
  • La réaffirmation de l’utilité des soins palliatifs accompagnée d’une ouverture à la possibilité de choix en matière de fin de vie
  • La mise en place de mécanismes permettant une démocratie en santé effective.

PROPOSITION 6.1 PLACER LA PERSONNE AU COEUR DE LA PRISE DE DÉCISION LUI PERMETTANT DE CHOISIR UNE FIN DE VIE DIGNE ET RESPECTER SES CHOIX

  • L’interdiction de l’euthanasie, aujourd’hui autorisée dans plusieurs pays frontaliers, crée
    des situations d’inégalités sociales sur une problématique éthique des plus sensibles.

    Mesure opérationnelle
    Accorder les moyens nécessaires afin de garantir un accès effectif aux soins palliatifs à domicile, à l’hôpital ou en institution, sur tout le territoire, et permettre à chacun d’être accompagné dans sa fin de vie conformément à ses
    choix.

PROPOSITION 6.2 REVOIR LES INDICATEURS SOCIO-ÉCONOMIQUES D’ÉVALUATION DES POLITIQUES EN S’INTÉRESSANT PRIORITAIREMENT À LA SANTÉ ET AU BIEN-ÊTRE

  • Le financement de la protection sociale repose majoritairement sur l’activité économique
    mesurée par le PIB. Cela ne permet pas de déterminer le niveau de ressources nécessaires.

    Mesure opérationnelle :
    Repenser la hiérarchie des indicateurs pour privilégier ceux de « pleine santé », « d’espérance de bien-être », et de « bien-être ».

PROPOSITION 6.3 METTRE EN PLACE UN ORGANE ISSU DE LA SOCIÉTÉ CIVILE, INCLUANT LES USAGERS ET LES MUTUELLES, CHARGÉ DE BÂTIR ET D’ÉVALUER, POUR LES ANNÉES À VENIR, LES PROTECTIONS SOCIALES DURABLES

  • Durant la crise du Covid, une véritable démocratie en santé aurait pu contribuer positivement à la gestion de la crise et en préparer la sortie. Penser l’évolution des protections sociales implique de bâtir un cadre et des outils permettant d’associer l’ensemble des parties prenantes.
    Mesures opérationnelles :
    – Interroger la société civile grâce aux démarches participatives et à une large concertation ;
    – Coconstruire des actions de santé publique avec les citoyens au niveau national comme dans les territoires ;
    – Développer la participation des usagers aux projets de santé locaux.

L'Espace Fédéral d'Ethique

L’Espace a été créé à l’occasion des Etats généraux de la bioéthique en 2018 pour préparer la contribution de la Mutualité Française sur l’intelligence artificielle, les données de santé, la fin de vie et la santé environnementale.
Depuis 2019, les unions régionales de la Mutualité Française sont à l’initiative d’espaces régionaux éthiques en santé et organisent des événements et des formations de militants en la matière. Des avis ont été produits sur la fin de vie, sur la santé publique et sur la santé environnementale, prenant notamment position en faveur de l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules avec intervention de la Sécurité sociale.

Par ailleurs, la Mutualité Française a proposé d’établir en 2019 six principes pour structurer une régulation de l’IA à même d’établir un rapport de confiance sans pour autant freiner l’innovation : la transparence de l’origine de l’algorithme, le principe de loyauté assurant que les données du patients ne sont pas utilisées à son insu, la garantie humaine, l’effectivité du consentement à la collecte des données de santé, la garantie par l’Etat de la sécurité des infrastructures et la garantie d’un égal accès social et territorial. Les travaux de l’Espace Fédéral d’Ethique se poursuivent pour notamment approfondir les réflexions sur l’éthique et la santé environnementale.